2020 – L’autre prophétie – Partie 4

17 Nov

Dans le précédent épisode :

Zwina et Yxiel ont reçu un paquet d’Arlemagne, un Pair fondateur de la théorie du renouveau solaire. A l’intérieur, parmi les documents, un mystérieux message qu’Yxiel s’empresse de cacher à Zwina : « Nous partons. Rejoins-nous : 49 ° 30 ′ 00 ″ – 123 ° 30 ′ 00 ″ ». Zwina est inquiète des recherches menées par Arlemagne et auxquelles adhère son compagnon. Ces études, jugées subversives par la République du Peuple, risquent de remettre en cause leur ascension sociale.

Le mensonge embryonnaire

Zwina appuya de nouveau sur la télécommande pour ouvrir la porte.
– Unité de cohésion B-1678 ? Dit sèchement une dame en uniforme bleu foncé.
Zwina reconnu le tenue officielle des Conseillères. Un frisson lui traversa l’échine.
– Oui, entrez donc.
– Ce n’était pas une question, précisa la Conseillère. Vous devez être le doublon femme Zwina.
La femme sortit un scanner de poche et survola le poignée de Zwina. Des informations défilaient sur l’écran portatif.
– Parfait.
Sans un mot elle fit de même sur Yxiel qui tendit spontanément son bras.
– Et voici donc le doublon mâle Yxiel.

La Conseillère s’assit à la table et y déposa un épais dossier.

– Vous avez eu de la visite, semble-t-il ?

– Non, répondit sèchement Yxiel.
– Curieux, j’ai cru voir un porteur de message quitter l’Unité. Elle regarda d’un sourire inquisiteur Zwina comme pour y déceler un signe de faiblesse trahissant le mensonge de son doublon. Gênée, Zwina détourna le regard et changea de sujet.

– Je vous aurais bien proposé quelque chose à boire mais même l’eau nous manque, dit-elle.
– Estimons-nous heureux d’en connaître encore le goût, ironisa la Conseillère, combien mourront avant d’y avoir gouté !
– Il y a bien notre réserve d’eau de pluie, fit noter Zwina, mais…
– Mais quoi ? La stoppa la Conseillère.
– La radioactivité, répondit simplement Zwina.

La Conseillère rigola tout en ouvrant leur dossier.
– La radioactivité ! Vous prenez bien vos gélules ?
Zwina acquiesça de la tête.
– Vous n’avez donc aucun souci à vous faire. Pensez à ces malheureux qui boivent, respirent, mangent radioactif. Malheureux, que dis-je, des révolutionnaires, des traitres remettant en cause l’autorité de notre République !

La Conseillère tournait nerveusement les pages du dossier.

– Et que dire de ceux manipulés par des théoriciens sans vergogne qui s’exilent vers l’Est. Du suicide ! Autant prendre la pilule verte ! L’Est est une contrée ravagées ! Les projets de purification toujours pas commencé, s’y rendre et bien qu’en disent certains scientifiques n’est que pure folie – elle secoua la tête d’un rictus faussement compatissant – je vous l’apprends peut-être, mais le Bureau de la Pureté Sanitaire vient de dénombrer plus de 1.000 victimes de cette hérésie scientifique. Pour moitié mort des effets secondaires de la radioactivité pour l’autre des mouvements de paniques engendrés à la vue des véhicules de la République venus les secourir. Ces fous perdent la raison. Suivre les fondements de la République à la lettre est l’unique voix salvatrice.

Tout en tergiversant sur les bienfaits et les miracles des avancées scientifiques dus par la République, elle annotait leur dossier. La Conseillère s’arrêta soudainement sur une des pages :

– Et vous dites avoir des rapports réguliers et satisfaisants ?
– Oui, répondit Yxiel.
La Conseillère en prit note sans l’ombre d’un autre intérêt que celui purement administratif. Elle soupira.
– Vous savez, de nombreux enfants pro-creatifs, deviennent au fil de temps – elle s’arrêta pour se corriger –  perdent, oui perdent dirais-je plus précisément, perdent leurs dons. C’est ce que l’Institut du Redressement Humain appelle le syndrome de la Ruche – elle les regarda tous les deux, comme un médecin diagnostiquant ce syndrome – un changement dans l’alimentation ou une évolution de la pensée peut affecter un métabolisme et faire qu’une abeille butineuse se transforme en reine féconde – la Conseillère ricana – c’est plus généralement l’inverse qui se produit.

La Conseillère sortit un calepin et en détacha un formulaire qu’elle tendit à Zwina.

– De nouvelles analyses nous permettront de vérifier tout cela. En attendant – elle redressa sa stature – je supprime votre Avantage vital.
– Non, Non, s’il vous plait ! S’exclama vivement Zwina, nous étions déjà réduit au stricte minimum !

La Conseillère déjà debout, s’arrêta face à la porte.

– Il me faut rationaliser, prioriser, favoriser ou pénaliser celui-ci, celle-là conformément aux vœux de notre bienfaitrice République. Oseriez-vous contredire une décision d’une de ses représentantes ?

La Conseillère jeta un regard accusateur vers Zwina.

– Non, bien sûr que non, dit Zwina.
– Voyez-vous doublon femme, une Unité de cohésion est comme un placement. S’il ne rapporte rien, rien ne sert d’investir encore.

Puis se tournant vers Yxiel, levé à son tour :

– Nous nous revoyons bientôt, n’est-ce pas ? Elle fit mine de réfléchir – à oui, à l’Institut, où avais-je donc la tête ! Qui sait cette rationalisation ne sera peut être que passagère…

Elle repris la direction de la porte et quitta l’Unité sans plus attendre.

La porte se referma dernière elle. Zwina voulu la rattraper mais Yxiel la rattrapa.

– Arrête, c’est du chantage, tu ne peux rien faire.
– Sauf si je lui dis. Oui, je vais lui dire, je vais tout lui dire.
– Non, Zwina pas encore.
– Pourquoi, pourquoi mentir ! Je me sens déjà si faible, pleura Zwina. Je ne vais pas y arriver.
– Attend mon discours au Cercle des Scientifiques, ensuite tu pourras leur dire.
– Tu veux donc risquer la vie de ton propre enfant ?

Zwina posa ses deux mains sur son ventre. La Conseillère n’avait rien remarqué et le traitement inhibiteur mis au point par Yxiel, avait dupé son détecteur chimique.

– C’est à moi qu’ils en voudront, ne t’inquiète pas.

Zwina réalisa que rien n’arrêterait Yxiel. Elle partit s’enfermer dans la chambre. Yxiel se remit à son bureau, les notes de son discours sous les yeux.

Pour la première fois, il regretta d’avoir menti. Ses convictions scientifiques méritaient-elle de risquer la vie de sa famille ?

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