Dans le précédent épisode :
Yxiel et Zwina deux enfants pro-créatifs de la République du Peuple bénéficient d‘un status privilégié : une Unité de Cohésion dans lequel ils vivent et l’Avantage vital, un rations alimentaires suffisante pour survivre. Pour autant, ils ne sont pas à l’abris d‘une décision du Cercle des chercheurs qui pourrait les priver de ce bonheur : Yxiel se fait le pourfendeur d’un théorie du Renouveau Solaire contestée tandis que Zwina et Yxiel n’attendre toujours pas d’enfant.
La visite d’une Conseillère est prévue dans la journée. La sonnette de la porte sonne.
Son dernier battement d’ailes souffla sur l’humanité le parfum de leur fin
Zwina attrapa la télécommande sur le buffet et y saisit un code qui déclencha le mécanisme d’ouverture de la porte.
– Salimen, dit un homme de l’autre côté.
– Salimen, répondit Zwina comme rassurée de découvrir qu’il ne s’agissait pas encore de l’Inspectrice qu’ils attendaient. Elle lui fit signe d’entrer. L’individu s’exécuta puis tendit une petite boite.
– Un message d’Arlemagne pour Yxiel, dit-il.
– Un message ! Pourquoi n’est-il pas venu lui-même ? L’interrogea Yxiel méfiant.
Le porteur haussa les épaules tant par ignorance que politesse et déposa le petit paquet sur la table sans dire mot. Il les salua et sortit aussitôt. La porte se referma automatiquement derrière lui.
Yxiel analysait la boite du regard.
– Ouvre donc ! Le pressa Zwina.
Il eut un sursaut et attrapa la boite de peur que Zwina, curieuse de nature ne s’en empare. Il en examina toutes les facettes. Seuls le destinataire et l’adresse étaient inscrits à l’encre noir sur la face supérieure : « Pour Yxiel – Unité de cohésion B-16’78»
Yxiel reconnu l’écriture de son ami et collègue de l’Institut, Arlemagne.
– Certainement quelques notes d’Arlemagne étayant encore sa théorie ? S’énerva Zwina.
Zwina était très critique à l’égard Arlemagne. Il ne s’agissait pas d’antipathie envers l’homme, tout à fait charmant mais d’un agacement croissant sur l’emprise magnétique qu’il avait sur Yxiel et ce dès son entrée à l’Institut. Arlemagne avait été le premier à parler de la théorie du Renouveau Solaire. Yxiel s’y intéressa et, très vite, consacra la plupart de son temps libre à aider Arlemagne dans ses recherches et ce malgré les avertissements répétés de ses Pairs.
Yxiel perdu dans ses pensées resta silencieux. Il recevait souvent, c’était vrai, des notes manuscrites de son ami mais jamais de façon inattendues et il se déplaçait toujours en personne, de peur que ces avancées scientifiques ne soient perdues ou volées. En outre, cette fois-ci la boite lui semblait bien lourde pour ne contenir que des feuilles.
Yxiel déplia méticuleusement la feuille de papier qui emballait la boite. Il l’ouvrit et sortit comme s’y attendait Zwina une liasse de papiers griffonnés de calculs, de formules, de chiffres et schémas. Yxiel posa la boite sur la table pour se plonger immédiatement dans la lecture des notes d’Arlemagne. Il les lu d’abord dans l’ordre puis étudia plus précisément certaines pages. Silencieux, captivé par les notes qu’il lisait, il s’installa à son bureau, poussa quelques livres et, munit d’un crayon commença à annoter studieusement les feuilles à la marge.
– Une abeille ! Dit Zwina très étonnée en sortant un objet en bronze de la boite.
– Une abeille ?
Yxiel se retourna étonné. Il avait oublié le poids inhabituel du paquet. Il se releva précipitamment et lui reprit l’objet sans ménagement.
– Il s’agit de son presse-papier, il ne s’en serait séparé pour rien au monde, c’est très étrange, commença à s’inquiéter Yxiel. N’y a-t-il rien d’autre ? Demanda-t-il presque virulent.
– Non, pourquoi ? Tu sembles énervé.
Yxiel balaya les doutes de Zwina d’un geste presque tendre de la main avant de regagner son bureau. Il posa l’abeille sur un des tas de livres.
– Pourquoi donc nous avoir donner cette fichue abeille ? S’agaça Zwina. Ton ami est vraiment bizarre. Je ne suis pas la seule à le penser. Tu ne devrais plus le fréquenter. Se serait déjà un premier geste pour calmer tes Pairs de l’Institut. Tu sais qu’ils ne voient pas son travail d’un très bon œil.
Yxiel assit sur son bureau s’était déjà replongé dans l’analyse des notes de son ami. Bientôt les coins de feuilles ne lui suffirent plus. Il commença à fouiller dans ses piles de livres quelques brouillons encore vierges sous le regard agacé de sa compagne. Par mégarde, il renversa la pile sur laquelle trônait l’abeille qui chuta. Il la rattrapa in extremis.
– Son dernier battement d’ailes souffla sur l’humanité le parfum de leur fin, dit-il en lisant l’inscription gravée sous le socle de l’abeille.
– Que dis-tu ? Demanda Zwina.
– Je n’avais jamais remarqué cette annotation auparavant, pensa-t-il avant de répondre à Zwina. Il s’agit du mythe des abeilles. Pour Arlemagne, leur disparition est le point de départ de tous nos malheurs mais aussi de ses recherches sur le Renouveau Solaire. Le destin des abeilles étant pour lui lié à celui de l’astre solaire.
– Une preuve de plus que ton ami a tord ! Les abeilles ne sont plus, nous, nous sommes toujours vivants et le soleil brille toujours. En outre, la science n’est-elle pas parvenue à combler leur absence ? Des millions d’abinautes pollinisent maintenant nos fleurs et en plus, elles, ne piquent pas.
Zwina eut une moue de satisfaction.
– Tu as raison Zwina, tu as raison.
Yxiel économe en parole ne souhaitait pas tergiverser sur ce sujet. Zwina tenait le discours officiel qu’il avait aussi mainte fois entendu. Mieux valait s’y tenir.
Certes les abinautes pollinisaient comme hier les abeilles mais ces drosophiles mutantes ne produisaient pas de miel, tuaient quiconque les mangeait et se multipliaient au point de mettre en danger la survie des plantes non transgéniques dont elles se nourrissaient.
Pour Yxiel, ces abinautes étaient des monstres de laboratoires, un symboles du pouvoir actuel : artificiel et mensonger.
Yxiel défroissa la feuille qui avait servit d’emballage au paquet. Cela ferait bien l’affaire pour crayonner quelques lignes de calculs en plus. Il commença à étaler ses chiffres tout en se souciant d’économiser au mieux la surface du papier, écrivant au plus prêt de l’inscription lue par le messager. Arrivé au bout de sa page, il tourna la feuille pour reprendre rapidement son savant gribouillage quand il s’arrêta brusquement. Au verso se trouvait une série de chiffres accompagnée d’un commentaire :
« Nous partons. Rejoins-nous : 49 ° 30 ′ 00 ″ – 123 ° 30 ′ 00 ″ »
Zwina intrigué par le silence de son compagnon se rapprocha d’Yxiel.
– Yxiel, promet moi que tu ne reverras plus cet Arlemagne, s’il te plait.
Yxiel réduisit la feuille en boule et la jeta dans la poubelle sous son bureau.
– Je te le promets Zwina, je te le promets.
– Merci, c’est pour notre bien.
Ils s’embrassèrent. De nouveau la sonnette de la porte retentit.