Florent Lemarchand, votez pour lui !

12 Avr
Staline, sex toy, photo, force ouvrière

Une affiche censurée par la stasie

Depuis tout petit déjà, je rêvais d’être une star. Dépourvu de tout talent, je devais tout naturellement m’orienter vers la politique. Admirer mon buste placardé sur tous les murs des écoles maternelles de la capitale, aurait pu flatter mon égo, incommensurable. Mais je me voyais mal concilier mon métier « testeurs de sex-toys » avec la rigueur et l’éthique que nécessite tout engagement politique (cependant je tiens à préciser que j’entretiens des relations plus que chaleureuse avec de nombreuses politiciennes, notamment Chantal que je soutiens).

Petit donc, je me présentais systématiquement à toutes les élections de délégué. J’avais tous les atouts pour gagner :  mocassins, chaussettes rouges, pantalon de velours, chemise, acné, lunettes et bonnes notes. Adhérer à Force Ouvirère a certainement été un acte dicté par mon subconscient, une consécration, un rêve d’enfant enfin réalisé.

Après l’épisode du paiement de la cotisation (j’ai dû manger des pâtes pendant 2 mois), découvrez dans ce deuxième épisode : la séance photo pour la création de l’affiche électorale.

Francine-Odile mon recruteur et guide spirituel chez Force Ouvrière, m’avait, pour cela, fixé un rendez-vous. Toujours ponctuelle, elle rentre dans mon bureau les bras surchargées : classeurs (vides), dossiers (neufs), stylos (non machouillés), gommes (nickel), agrafeuses, stabilosje ne la connaîtrais pas, je penserais qu’elle fait du recel de fournitures de bureau ou qu’elle prépare la rentrée des classes de ses 5 mouflets.
FO : Pas le temps de faire la queue à la croix-rouge pour les mômes, me dit-elle. Je me sers dans les caisses, en même temps, je n’utilise aucun matériel bureautique pour le travail, alors pour compenser…
(Elle me tend le document)
FO : Petit budget, petits moyens.
(Je découvre le tract où 6 taulards syndicalistes semblent s’être fait tirer le portrait ivres jusqu’à saturation de la rate, à la peau tannée au barbecue  ou sortant du bagne. Je grimace.)
Moi : Rassurez-moi c’est une miniature, il y aura bien des affiches au format A3 placardée sur tous les murs ?
FO : Non les formats A3 sont réservés aux partisans du Bureau Politique. Nous, nous n’en sommes qu’à la base du militantisme.
Moi (je marmonne): En même temps quand on voit vos têtes, il est préférable de ne pas trop les mettre en avant. (Je m’adresse à elle) Quel est le pourcentage de cotisants COTOREP dans votre club d’attardés ?
FO : Pardon ?
Moi : Non, je me demandais si notre entreprise respectait le quota d’handicapé ?
FO : Attends voir (elle me reprend le tracte). Il y a Paul, Albert, Simon, Monique. A ma connaissance, il y en a au moins 4. Nous sommes le seul syndicat à avoir autant de cotisants COTOREP, dit-elle fièrement.
Moi : Tu m’étonnes.
(Sarah, ma stagiaire sénior rentre dans le bureau)
La stagiaire sénior : Ca sent vraiment bizarre ici.
Moi (tentant de changer de sujet – ceci dit c’est vrai que ça sentait la vieille vinasse) : Alors pour ma photo, je me demandais s’il n’y avait pas moyen de l’imprimer sur un document à part ?
FO : Impossible.
(Je retourne le tracte pour découvrir le programme).
Moi : Le programme écrit en arial 8, c’est pas un peu petit par contre ?
FO : Quel programme ?
Moi : Celui qui est écrit sur le recto du tract.
FO : Ce n’est pas notre programme, c’est la notice de mon hachoir à légume !
Moi : Pardon ?
FO : On recycle ! Personne ne va s’amuser un lire un programme de Force Ouvrière voyons ! J’ai quand même quelques notions de marketing ! On prend du vieux papier et on imprime de l’autre côté.
Moi : Vous n’avez pas tord ! Bon finissons-en.
(Francine Odile sort son appareil photo argentique).
FO : C’est un Zenit Xp-33. Le même modèle que celui utilisé par Youri Gagarine pour photographier la Terre. On n’a rien fait de mieux depuis.
(Je comprends mieux les têtes de déterré de mes camarades. Elle fait la mise au point sur ma tête).
Moi : J’aurais voulu être mieux sapé pour cette grande première. Là, je ne suis pas rasé, pas coiffé et habillé d’un simple polo.
(Ma stagiaire sénior tente de me rassurer)
La stagiaire sénior : Tu fais très prolo, c’est tout à fait dans la thématique.
Moi : Merci Sarah. Concentre toi un peu sur le Plan d’Action Commercial, s’il te plaît.
La stagiaire sénior : Oui, oui. Me répond t-elle un peu stressée.
Moi (faisant mine de parler à Francine-Odile) : La pauvre, si elle savait. Pour son C.D.D. c’est mal barré ! Elle est si serviable cette petite. (Je murmure) Elle y croit encore.
FO : Elle est syndiquée ?
Moi : Non
FO (d’un air résigné) : Alors…
Moi (pathétiquement) : Alors…

Soudainement, pendant que Francine-Odile s’apprête à faire la photo, Sophie, une collègue journaliste – et accessoirement grosse chaudasse – rentre précipitamment et me tend un gros sexe mou.
FO : Parfait, tout est dans la boite !
Sophie (ma collègue) : Florent, j’ai un super truc pour toi, tu vas bien t’amuser ! Me lance t-elle en brandissant ce sex-toy de 30 centimètres. (Elle jette un regard sur Francine-Odile) C’est qui celle-là ?
Francine-Odile devient blême.
Sophie (toujours son énorme pénis à la main) : Et bien, on a changé de genre à ce que je vois. On tape dans le vieille ?
Moi : Non, c’est pas ce que tu crois, c’est professionnel.
J’attrape Sophie par le bras et la pousse vers la sortie.
FO : Bon, ce n’est pas grave, j’ai ce qu’il me faut !
Moi : Ah ba non ! On va pas publier une photo de moi avec un sex-toy sur ma joue.
FO : De toute façon je n’ai plus de pellicule. Je ferai une retouche sur l’imprimante.
Moi (je m’énerve) : Non, non, non ! On refait la photo.
FO : Il faudrait aller sur e-bay
Moi : E-bay ?
FO : Et bien oui, les pellicules pour ce genre d’appareil  ne se trouve plus que sur e-bay. Ces salauds de Maoïstes ont racheté l’usine en 76. Puis ces socialistes léninistes ont fermé les fermes collectives qui offraient une main d’œuvre de qualité et enfin rapatrié tout le matériel en Chine.  Si Staline avait été là, j’peux te dire que se se serait pas passé comme ça. Beaucoup de camarades sont morts mon ami, beaucoup !
Moi : C’est cela oui. Bon dans ce cas, je veux valider le BAT !
FO : BAT, BAT, comme lors de la révolution bolchévique en 1917 ? Le Bureau d’Aide aux Travailleurs ? Je ne comprends pas.
Moi (d’un ton exaspéré) : Non ! B-A-T comme Bon A Graver, le document que l’on valide avant de lancer la production chez l’imprimeur ! ! !
(Elle rigole)
FO : L’impression nous la ferons nous même camarade. Je n’ai nullement confiance dans le service de reproduction. Nous avons récupéré d’antiques presses de la révolution des oeillets de 74. Certains rouages sont encore grippés du sang séché d’un camarade, paix à son âme.
(Francine-Odile commence à chanter le champ des partisans en tchèque. J’abrège l’éloge funèbre au risque de la perdre.)
Moi : Bon écoute, je vais faire une photocopie de ma carte d’identité et tu la reprendras sur le tract. Faisons comme cela si tu veux bien.
FO: Très bonne idée camarade.
Nous nous quittons sur cette note d’espoir.

Deux jours plus tard, je constate le massacre. La photo un peu trop petite a été déformé pour « rentrer dans la case » me précisa plus tard Francine-Odile. Voilà donc ma première affiche. Au milieu de mes amis proivrots, la tête rattatinée, les joues bouffies et un formidable slogan : F.O. le syndicat qu’il vous faut ! Ca fait peur mais la lutte continue (j’en veux pour mon argent).

Et bientôt :

> Florent Lemarchand lit le livre rouge

> Florent Lemarchand apprend à allumer un barbecue sur une barricade.

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